dimanche 28 janvier 2007

Notes sur le cours du 27 janvier

Boileau : le mystère des dates
Boileau est mort en 1711. Les Satires portent, comme date sur la feuille que je vous ai donnée, 1668-1716.
Terminées après la mort de Boileau ? Serait-ce que, mort, il écrivait encore ?
Non : tout simplement, le recueil des Satires est composé de plusieurs "chapitres". Il a été publié en 1668 - Boileau avait 32 ans. La Satire XII a été composée à la fin de sa vie. Elle a été publiée clandestinement (sans autorisation du roi) après la mort de Boileau en 1711. Elle a été ensuite insérée, dans la première édition de ses oeuvres complète en 1716, à la fin des Satires. Elle est tout entière consacrée à l'équivoque.
Vous pouvez acheter un exemplaire de l'édition originale de 1711 à cette adresse : http://www.livre-rare-book.com/Matieres/pd/7991.html
Elle vaut 580 euros (85 000 yens environ)

Équivoque. Nom et adjectif. Emprunt au bas latin tardif aequivocus qui signifie « à double sens ».
1648 « caractère de ce qui prête à des interprétations diverses » (PASCAL, Lettre à Jaqueline, 26 janv. ds LITTRÉ)

À suivre...

lundi 22 janvier 2007

Notes sur le cours du 20 janvier

Le sonnet

Deux quatrains (2 fois 4 vers) et un sizain (6 vers) souvent disposé sous la formes de deux tercets (2 fois 3 vers).

Les rimes des quatrains sont soit croisées (ABAB), soit embrassées (ABBA) soit plates (AABB).
Les rimes des deux quatrains sont les mêmes (mais il existe des exceptions à cette règle).
Les rimes des deux tercets sont, en France, souvent celles-ci : CCDEDE.

L'origine du sonnet est italienne (XIII-XIVe siècles). Pétrarque a été un modèle pour les poètes de la Renaissance française.

Jusqu'au XIXe siècle, l'alternance de rimes masculines et féminines devait être respectée.
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Le sonnet à Marie est composé de décasyllabes (10 pieds).
Ex. : Je /vous /en /voie / un / bou /quet / que / ma / main
(Le rythme de ce vers est 4 /3 /3)

Celui à Hélène est composé d'alexandrins.
Quand /vous / se /rez / bien / vieille, /au /soir / à / la / chan /delle
(le rythme : 6 / 6 ou bien 6 / (2 + 4)
A la fin de l'hémistiche (=la moitié du vers), comme à la fin du vers, le "e" muet n'est pas prononcé de manière accentuée : pas vie-ille, mais vieille ; pas chan-del-le, mais chan-delle.

Sonnet à Marie (orthographe de l'époque)

JE vous envoie un bouquet que ma main
Vient de trier de ces fleurs epanies:
Qui ne les eust à ce vespre cueillies,
Cheutes à terre elles fussent demain.

Cela vous soit un exemple certain
Que vos beautez, bien qu'elles soient fleuries,
En peu de temps seront toutes flaitries,
Et, comme fleurs, periront tout soudain.

Le temps s'en va, le temps s'en va, ma dame,
Las! le temps non, mais nous, nous en allons,
Et tost serons estendus sous la lame:

Et des amours desquelles nous parlons,
Quand serons morts, n'en sera plus nouvelle:
Pour ce, aymez-moy, ce pendant qu'estes belle.

dimanche 14 janvier 2007

Notes sur le cours du 13 janvier

Les vers
• Les alexandrins, 12 syllabes (on dit : 12 pieds).
Alexandrin, parce qu'ils ont été employés dans le Roman d'Alexandre (XIIè siècle).
• Les chansons de geste étaient écrites en décasyllabes (déca = 10).
• Les vers de 8 pieds sont appelés octosyllabes.

Trois types de rimes
Croisées (abab), embrassées (abba), plates (aabb)

Décompte des syllabes
Donc / ce /se/ra/ par/ un/ clair/ jour/ d'é/té (10)
Le /grand /so/leil/, com/pli/ce/ de /ma/ joie, (10)
Fe/ra/, par/mi/ le/ sa/tin/ et/ la/ soie, (10)
Plus/ belle/ en/cor/ vo/tre/ chè/re/ beau/té ; (10)
Plus belle encor -> plu-bel-len-cor (4)
Les "e" muets de la fin des vers ne se prononcent pas comme une syllabe :
L'émotion du bonheur et l'attente -> L'é-mo-ti-on-du-bo-nheur-et-l'at-tente (10)

Alternance des rimes masculines et féminines
Doux / voiles / étoiles / époux
Les rimes dites féminines sont longues et les masculines brèves.

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Calligrammes : terme inventé par Apollinaire à partir de Calligraphie et de idéogramme.
• Écoutez la voix d'Apollinaire : un enregistrement de 1913.
Photo ci-contre.
La plupart de ses calligrammes datent de 1915.
Il est né à Rome en 1880.
Son principal recueil, Alcools, parait en avril 1913.
La Lou des Calligrammes s'appelle Louise de Coligny-Châtillon. Il l'a rencontrée le 27 septembre 1914 alors qu'il vient de s'engager dans l'Armée pour partir à la guerre.
Il rejoint son régiment le 2 janvier 1915. Il fait la rencontre d'une jeune fille, Madeleine Pagès dont il tombera amoureux. Relation épistolaire. Le 10 août, il demande sa main.
Il est blessé à la tempe le 17 mars 1916 et subit une trépanation.
Il meurt le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole six mois après son mariage avec Jacqueline Kolb. Picasso était le témoin de son mariage.
(Source : Édition de la Pléiade)_________________
Verlaine

Donc, ce sera... "Ce" est son mariage avec Mathilde Mauté. Ce poème est extrait du recueil La bonne chanson, publié en juin 1970, et composé exclusivement de poèmes envoyés à la jeune fille. Ces poèmes sont marqués par la simplicité et la fraîcheur : Mathilde a 16 ans.

J'ai noté en gras le fil minimum du poème. On pourrait, à la rigueur, enlever tout ce qui n'est pas en gras et le sens minimum subsisterait :

Donc, ce sera par un clair jour d'été ;
Le grand soleil, complice de ma joie,
Fera, parmi le satin et la soie,
Plus belle encor votre chère beauté ;

Le ciel tout bleu, comme une haute tente,
Frissonnera somptueux à longs plis
Sur nos deux fronts heureux qu'auront pâlis
L'émotion du bonheur et l'attente ;

Et quand le soir viendra, l'air sera doux
Qui se jouera, caressant, dans vos voiles,
Et les regards paisibles des étoiles
Bienveillamment souriront aux époux.

Une biographie de Verlaine
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Le 22 février 1944, Desnos est arrêté, interné au camp de Compiègne avant de faire partie d'un convoi pour l'Allemagne, le 27 avril. Il avait été prévenu de l'arrivée de la Gestapo, mais il n'a pas tenté de lui échapper, craignant que sa femme Youki soit arrêtée à sa place.
Il survit au régime des camps mais il meurt le 8 juin 1945.
Voici un de ses poèmes les plus célèbres :

J'ai tant rêvé de toi


J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?

J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.

J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.

J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'à être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.

Robert Desnos, À la Mystérieuse, in "Corps et biens" (1930)

Un lien
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Ô
Les Ô sont innombrables dans la poésie. Quelques exemples :

• Un poème de Rimbaud (Derniers Vers)
Arthur Rimbaud 1854-1891
• Le poème que je vous ai cité en cours :
Le Cor d'Alfred de Vigny

Le Cor

J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille,
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Que de fois, seul, dans l'ombre, à minuit, demeuré,
J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques

Ô montagnes d'azur ! Ô pays adoré !
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ;

Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et le pied de gazons !
C'est là qu'il faut s'asseoir, c'est là qu'il faut entendre
les airs lointains d'un Cor mélancolique et tendre.

Souvent un voyageur, lorsque l'air est sans bruit,
De cette voix d'airain fait retentir la nuit ;
A ses chants cadencés, autour de lui se mêle
L'harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle.

Une biche attentive, au lieu de se cacher,
Se suspend, immobile, au sommet du rocher,
Et la cascade unit, dans une chute immense,
Son éternelle plainte au chant de la romance

Âmes des chevaliers, revenez-vous encor ?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du corps
Roncevaux ! Roncevaux ! Dans ta sombre vallée
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée !

Alfred de Vigny (1797-1863)

Un beau site, complet, sur Vigny : ici